La maladie de Hodgkin, ou plus exactement dénommée le Lymphome de Hodgkin (LH) est une maladie relativement rare d’une façon générale en onco-hématologie. Dans cet entretien le Pr Mohammed-Amine Bekadja répond a nos questions
-Professeur, c’est quoi la maladie de Hodgkin ?
La maladie de Hodgkin ou plus exactement le lymphome de Hodgkin est une pathologie hématologique maligne dont le point de départ est l’envahissement d’un ganglion, superficiel le plus souvent, par une cellule maligne appelée la cellule de Reed Sternberg responsable de l’augmentation de volume du ganglion atteint et en même temps de la destruction de son architecture et de ses fonctions. L’envahissement de proche en proche va entraîner l’apparition de nouveaux ganglions atteints (adénopathies) au niveau de l’ensemble des aires ganglionnaires superficielles de l’organisme, mais également profondes, correspondant à la circulation lymphatique.
Le mode de début de la maladie est progressif et se fait de proche en proche en suivant le trajet pré établi du territoire ganglionnaire physiologique, ce qui explique souvent les retards de diagnostic dont le délai moyen est d’environ 7-11 mois avec un profil de patient de stade avancé de la maladie dans plus de la moitié des cas.
Parfois l’effraction de la capsule du ganglion atteint dans le vaisseau, peut entraîner une dissémination par vois sanguine avec atteinte du foie, de la rate et de l’os. L’ensemble de ces signes peuvent s’accompagner d’un amaigrissement, de sueurs profuses et de prurit ne répondant pas à un traitement par les antis histaminiques.
– Est-ce une maladie répandue ou plutôt rare ?
Le lymphome de Hodgkin est une maladie plutôt rare, vu son incidence en Algérie, qui est de l’ordre de 1.8/100.000 habitants en 2014 par rapport à une incidence plus élevée en Europe (2.4/100.000 habitants en France) ou aux USA. Le lymphome de Hodgkin est classé 3 ème après le myélome multiple parmi les hémopathies malignes en Algérie.
Sur une période de 8 ans, 2383 patients ont été recensés en Algérie
– Existe-t-il des données chiffrées en Algérie pour le nombre de personnes atteintes de cette pathologie ?
Oui, la société Algérienne d’Hématologie a initié de nombreuses enquêtes nationales multicentriques, dont celles portant sur le lymphome de Hodgkin. L’enquête réalisée entre 2008 et 2012 et publiée en 2015 dans la revue Algérienne d’Hématologie par le Pr ABAD
Mohand Tahar (Coordinateur national du Groupe d’étude Algérien du lymphome de Hodgkin) montre les chiffres suivants : sur une période de 8 ans, 2383 patients ont été recensés, dont 1183 hommes et 1200 femmes avec un taux moyen annuel de nouveaux cas de 500.
– Est-ce une maladie facilement diagnostiquée ?
Dans la majorité des cas, oui, en cas d’adénopathies superficielles palpables pouvant permettre de faire une biopsie exérèse. Parfois, devant la présence d’adénopathies profondes, médiastinales ou abdominales, d’accès difficile, le recours à des méthodes plus invasives comme la ponction biopsie guidée sous scanner ou sous échographie sont indispensables.
La deuxième partie, la plus sensible correspond à la lecture histopathologique du prélèvement ganglionnaire par un anatomo-pathologiste expérimenté ayant une certaine expertise dans le domaine de la pathologie du ganglion en Hématologie.
A cet égard, il est recommandé, que le diagnostic de lymphome de Hodgkin soit posé par deux pathologistes après deux lectures à l’aveugle, du prélèvement ganglionnaire.
Aujourd’hui ce diagnostic histopathologique est complété par un examen immuno- histochimique utilisant des anticorps monoclonaux CD30 et CD15.
Deux principaux protocoles sont utilisés
Quelles sont les thérapies ciblées qui existent en Algérie ?
Le traitement du lymphome de Hodgkin répond à des référentiels internationaux issus de recommandations internationales comme celle de l’ESMO ou Société Européenne d’Oncologie Médicale. Ces recommandations font l’objet de mise à jour de façon régulière selon l’état d’avancement de la recherche clinique, biologique et les nouvelles molécules de l’industrie pharmaceutique dans ce domaine.
En Algérie, ces référentiels sont appliqués sous l’égide du Groupe Algérien d’étude du lymphome de Hodgkin, lui-même sous l’égide de la Société Algérienne d’Hématologie.
Deux principaux protocoles sont utilisés, l’ABVD : associant les molécules suivantes :
Doxorubicine, Bléomycine, Vinblastine et Dacarbazine et le BEACOPP : associant la
Bléomycine, l’Etoposide, Doxorubicine, Cyclophosphamide, Vincristine, Procarbazine et
Prednisone. Ces deux protocoles sont utilisés en première ligne du traitement du lymphome de Hodgkin et sont bien codifiés selon le groupe pronostique de la maladie.
A l’inverse, dans les formes réfractaires et les rechutes, les traitements ne sont pas codifiés pour l’ensemble des services d’Hématologie. La chimiothérapie de rattrapage porte sur un certain nombre de protocoles et l’intensification suivie d’une autogreffe de cellules souches ne sont réalisées que dans deux services en Algérie pour le lymphome de Hodgkin
(CPMC et EHU Oran).
Y a-t-il des contraintes particulières pour le diagnostic ?
D’une manière générale, non, le diagnostic de lymphome de Hodgkin dans sa forme classique est posé dans près de 80 à 90% des cas par les pathologistes. Il s’avère par contre plus difficile à confirmer dans 10 à 20% des cas dans certaines formes appelées « grey zone ».
Il s’agit de formes histologiques posant un diagnostic différentiel avec les lymphomes non hodgkiniens anaplasiques ou des néoplasmes non différenciés, nécessitant des relectures par un groupe de pathologistes expérimentés (comité de lecture) et s’aidant de l’immuno- histochimie, voire de la biologie moléculaire et/ou de la cytogénétique.
En Algérie, la principale molécule enregistrée est un anticorps monoclonal anti CD30
Aussi ,y a-t-il des contraintes particulières pour le traitement de cette pathologie ?
Le traitement du lymphome de Hodgkin est bien codifié, aussi bien dans les stades localisés, que dans les stades étendus de la maladie. L’ensemble des molécules utilisées sont disponibles et sont des médicaments génériques peu coûteux, si bien que le traitement peut être prodigué par des hématologues dans l’ensemble du pays où existe une unité d’onco- hématologie en dehors des structures hospitalo-universitaires.
A l’inverse, il existe des contraintes particulières pour le traitement des formes réfractaires et des rechutes. La première de ces contraintes est l’impossibilité de pratiquer l’autogreffe de cellules au niveau de l’ensemble des structures hématologiques du pays posant ainsi un grave problème d’éthique et d’accès aux soins des patients de façon équitable.
La deuxième contrainte consiste en l’absence de disponibilité de médicaments efficaces dans les formes réfractaires et/ou les rechutes. Il existe aujourd’hui de nouvelles molécules thérapeutiques capables de mettre en rémission les patients en rechute ou présentant des formes réfractaires sévères de lymphome de Hodgkin. Ces médicaments appelés anticorps monoclonaux font partie de l’arsenal des thérapeutiques dites ciblées.
En Algérie, la principale molécule enregistrée est le Brentuximab (anticorps monoclonal anti CD30) et son autorisation de mise sur le marché a porté sur le lymphome de
Hodgkin en rechute ou de forme réfractaire après une ou deux lignes de chimiothérapie bien conduite. Cette molécule a permis un service médical rendu très performant mais elle n’est malheureusement indisponible jusqu’à présent dans les pharmacies hospitalières.
Ainsi les patients atteints de lymphome de Hodgkin en rechute ou réfractaire, sont condamnés à une issue fatale par la progression de leur maladie ne pouvant être maitrisée et/ou éradiquée par les médicaments actuellement utilisés mais inefficaces.
Par le Pr Mohammed-Amine Bekadja
Service d’hématologie et de thérapie
cellulaire, EHU 1er Novembre, Oran
Université Ahmed Ben Bella 1, Oran